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Calais : chroniques urbaines
18 septembre 2014

La place Crèvecoeur _ Histoire et évolutions

 

Photographies et documents personnels.         Cette place est, à l'image de la place d'Armes pour Calais Nord, le lieu de rassemblement que tous les Saint Pierrois connaissent. Pourtant, on peut dire que la place Crèvecoeur perd de son dynamisme, car si elle est le lieu du marché, certains des édifices qui participaient à son rayonnement, s'ils restent monumentaux, n'ont plus l'importance que les habitants leur conféraient autrefois : c'est le cas de l'église Saint Pierre qui, comme beaucoup d'églises, n'est plus un lieu de convergence, c'est également le cas de la bourse. A moindre échelle, et à la l'image du centre ville calaisien, certains commerces de la place Crèvecœur et de la rue du Commandant Mengin (pénétrante la plus évidente de la dite place) sont aujourd'hui fermés, et s'il reste de nombreux commerces et services implantés sur la place Crèvecœur, les locaux commerciaux vides sont ceux qui sont stratégiquement implantés et qui, lorsqu'ils sont fermés, donnent l'impression d'une déprise.

            La place Crèvecœur est longue d’environ 200m, pour 70m de large. A l’origine, à l’emplacement de la place, se trouvait le « champ carré » qui se situait à la périphérie de la ville. La place Crèvecœur est, s’il on peut dire, une place « fermée » à laquelle on accède par 10 ruelles latérales, par une pénétrante distincte : la rue du Commandant Mengin au Nord, et au Sud par une traversante : la rue Dampierre, ou par une pénétrante plus discrète : la rue Gaillard. Jean Louis Crèvecœur a fait don de ce champ à la ville de Saint Pierre en 1836 et à deux conditions : que la place porte son nom et qu’elle accueille des marchés (jusqu’alors ils étaient tenus près de l’actuel Quai du commerce). En 1854, la famille Crèvecœur décida de céder de nouveaux terrains à la ville et cette fois à la condition qu’ils permettent de construire des équipements publics. C’est à cette occasion que fut construit le « nouvel » hôtel de ville de Saint Pierre, devenu depuis le palais de justice, et constituant le 1er des trois éléments architecturaux monumentaux qui font aujourd’hui de la place Crèvecœur une place reconnaissable et patrimonialement digne d’un grand intérêt ; les deux autres éléments étant dans leur ordre de construction : l’Eglise Saint Pierre, et la Bourse du Travail.

 

Retour sur les éléments structurants la place :

 

Le Palais de Justice :

Photographies et documents personnels.

Le 1er hôtel de ville de Saint Pierre se situait près de l’actuel Quai du commerce, à côté de l’Eglise Saint Jean. Grâce aux terrains de la famille Crèvecœur, il a été décidé en 1858 de construire un nouvel hôtel de ville, sur les plans d’Amedée Stensmaght, dans un style néo-classique. En 1861, les services municipaux s’installent donc place Crèvecœur, et en 1885 à l’heure de l’union entre les villes de Saint Pierre et Calais, il est décidé, qu’en attendant la construction d’un nouvel hôtel de ville (l’actuel), l’hôtel municipal serait agrandi et resterait celui de Saint Pierre. 33 ans plus tard, en 1918, les services municipaux s’installent enfin dans le nouvel hôtel de ville, laissant celui de Saint Pierre sans réelle fonction. Il a finalement été décidé en 1929, de faire de cet édifice le nouveau palais de justice de la ville de Calais, et jusque dans les années 1950 ce lieu a même abrité les locaux de la police. Il occupe actuellement un périmètre de 1579m² au sol, au centre de la façade Est de la place.  

 

L’Eglise Saint Pierre 

Photographies et documents personnels.

La ville de Saint Pierre possédait jusqu’au milieu du XIXe siècle l’Eglise Saint Jean dite de « Pétresse », _c’est à dire de Saint Pierre_. Cependant, ce bâtiment, qui n’était plus capable d’accueillir et de constituer le lieu de culte d’une ville en expansion, devait être remplacé. Le projet _ dont la construction s’échelonna entre 1862 et 1872_ fut confié à l’architecte Boeswillwald, élève de Viollet le Duc. L’Eglise a une emprise au sol de 1690m², sa flèche culmine à 65m, et conformément à la logique morphologique de la place, mais en contradiction avec la tradition catholique, l’Eglise n’est pas tournée vers l’Est (Jérusalem) mais est construite dans un axe Nord – Sud. Le premier office eut lieu le 6 avril 1870 pour les funérailles d’Henri Leblond, lui-même acteur de l’aménagement de la place Crèvecœur. 

 

La bourse du travail

Photographies et documents personnels.

En 1860, et en écho à construction de la future mairie de Saint Pierre, des plans ont été proposés pour construire un Lavoir et des Bains au centre de la partie Ouest de la place et dans le même style néo classique que celui de la future mairie. Ces bains Saint Pierrois (cf. Photo) accueillirent jusqu’en 1899 une école et certains services publics en lien avec la justice. En 1918 un bombardement détruisit la moitié du bâtiment, qui ne fut pas restauré par la suite. Dans les années 1930, le maire socialiste Lucien Vadez décide de confier à Roger Poyé la construction d’une "Bourse du travail" à l’emplacement de l’ancien lavoir, et sur une surface au sol de 887m². Le choix de l’architecture et du style du bâtiment détonne vis-à-vis du style classique de l’ensemble de la place Crèvecœur. Ce bâtiment est de style Art déco, et a une structure en béton armé : nous pouvons constater que le choix des matériaux trahit un souci d’économies. Le bâtiment abrite le marché couvert au rez-de-chaussée et un amphithéâtre. L’amphithéâtre Emile Salembier (syndicaliste et ancien maire socialiste de Calais) est une salle qui avait une capacité de 1200 places, capacité supérieure à celle de la salle du Théâtre. Une fresque de Max et Paule Ingrand orne la scène et donne à la salle une ambiance très années 1950. Pour l’anecdote, à cause de la seconde guerre mondiale, il n’y a jamais eu d’inauguration de la Bourse du Travail ; de plus l’entreprise qui construisit le bâtiment, à cause de ses supposés liens avec les Allemands pendant la guerre, n’aurait pas été payée.

 

La rue du Commandant Mengin

Photographies et documents personnels.

La rue du commandant Mengin est la pénétrante la plus évidente de la place Crèvecœur. Elle relie, en un peu plus de 70m arborés, le Boulevard Lafayette et la place, créant une belle perspective Sud. La rue porte ce nom depuis 1945, en l’honneur du commandant Mengin (1896-1944) qui, le 29 septembre 1944, négocie avec les Allemands un jour de trêve afin d’évacuer les 24 000 calaisiens restés dans la ville. Jacques Vendroux, Maire de l’époque, décida alors de rebaptiser la rue d’Orléans en la rue du Commandant Mengin, qui porte ce nom depuis. C’est une rue pavée et arborée par une rangée de 11 arbres par trottoir. Cette rue est indéniablement commerçante, et mélange les styles architecturaux, avec des témoignages plus évidents du XIXe siècle sur le front à rue Est (qui compte 6 locaux commerciaux pour 2 habitations en rez-de-chaussée), et du XXe siècle sur son front à rue Ouest (qui compte 9 locaux commerciaux et aucune habitation en rez-de-chaussée). Dans cette rue, un témoignage architectural historique marque par sa monumentalité : c’est l’ancien Etablissement A.Cornois, construit entre 1895 et 1896, sur une emprise de 233m² au sol, dans l’esprit des grands magasins d’antan (Cf Photo). La rue compte encore 10 commerces de proximité (coiffeur, chocolatier, bijoutier...), 1 commerces de services, et 1 bar-café.

 

 

Une place d’atouts, mais un point de convergence qui se perd :

 

Cartographie Personnelle

La place Crèvecœur est une place minérale monumentale par ses dimensions, son homogénéité structurelle et morphologique, et elle est une place faite de convergences. Actuellement, elle est surtout un parking à ciel ouvert d’environ 150 places accessibles gratuitement, ce qui est un atout clair voire quasi indispensable puisqu’elle est une place toujours active, notamment grâce à la concentration de pôles tertiaires, mais elle est aussi proche du boulevard, et des rues commerçantes du centre ville Saint Pierre. Le Palais de Justice emploit quotidiennement un nombre important de personnes ; de fait, la place accueille un nombre important de cabinets et de bureaux occupés par les professions libérales, on y compte par exemple 2 cabinets d’avocats, 1 huissier de justice, 3 médecins, 1 clinique vétérinaire, ou 1 kinésithérapeute. Enfin, il ne faut pas négliger l’impact positif de l’école Saint Pierre, séparée par une rue de la place, qui compte près de 2150 élèves, de la maternelle aux classes de BTS, qui à partir de 16 ans constituent un marché à ne pas négliger.

A l’origine, la place Crèvecœur a été pensée comme un point de convergence pour toute la ville de Saint Pierre : elle devait être synonyme d’une nouvelle centralité. En effet, d’un champ elle est devenue en à peine 30 ans la place de la mairie et de l’Eglise, du marché, et du lavoir, à une époque où la ville était en pleine extension démographique et industrielle. La place a eu comme principe d’origine de remplacer l’organisation urbaine centrale existante autour du Quai du commerce, dont les édifices ne répondaient plus aux besoins de la ville. Même le centre scolaire Saint Pierre, dont on doit la construction en l’année 1857 à la même volonté de Monsieur Crèvecœur, était prévu pour compter dans l’harmonie de la place, et même si actuellement le centre scolaire est séparé de la place par la rue du Four à Chaux, et que la bourse du travail dissimule en partie cette perspective, on aperçoit, dans la mire de la rue de Néhou, la façade du centre scolaire. Cette centralité a pour autant été très vite mise à mal par l'aménagement d'autres places centrales : la place du théâtre, la place de la mairie, et plus récemment par l'atrait du périurbain : la centralité urbaine si elle reste une réalité géographique, n'est plus forcément une réalité économique et usuelle.

La place a longtemps eu une réputation de place que l’on pourrait qualifier de « Bourgeoise », avec, en plus de ses bâtiments monumentaux et de son aménagement abouti, ses maisons de ville en R+2, datant de la fin du XIXe siècle, et qui pour certaines témoignent d’une sorte d’apogée. Néanmoins, la place a pâti de la déprise immobilière calaisienne : des divisons de logements, en plus de souvent dénaturer la cohérence et l’homogénéité urbaines, bouleversent l’harmonie sociale existante.

Le tableau n’est pas si sombre : la place a été préservée d’aménagements et de destructions dommageables grâce à son placement en ZPPAUP en 2005, et garde de nombreuses activités en son sein qui participent à son rayonnement : le marché, quelques évènements éphémères, et surtout la présence de services, de commerces, et du palais de justice continuent à rendre cette place active. De nos jours, et c’est aussi parce que l’on ne compte plus sur les industries dans le centre de nos villes, et que l’on a globalement la volonté de préserver et d’embellir, les habitants prennent pour certains la mesure de l’importance esthétique de la place, c'est ainsi que de nombreuses façades ont été préservées. 

 

Bibliographie : 

Nouveau Guide de Calais, 1921, 72 pages

Chaussois R., Hanquiez J., Calais, La Voix du Nord, 1995, 32 pages

Chaussois R., Mémoires en images : Calais, 1997,128 page

Hanquiez J., Rolet F., Calais, La Voix du Nord, 1998, 126 pages

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Commentaires
A
Existe t il un portrait du donnateur du terrain à la ville?<br /> <br /> Andy Crévecoeur.
S
il serait opportun de créer une association pour les amis de cette place si agréable à vivre
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